Nan mais attend, je rêve ou quoi ? C’est qui ce type avec un dossard qui redescend ? Putain, merde, c’est Bonnel… A ce moment bien précis, pas besoin d’avoir la médaille fields pour comprendre que là, juste 100 m devant moi, j’ai en point de mire les fesses de Kenichi Yamamoto et que devant lui, ben y a plus personne. La vache, ne pas s’emballer !!!
Préparation à l’Ultra Traversée de Belledonne
L’échappée belle, je l’ai suivi à distance en 2013 depuis la Chine. A ce moment-là, avec Anne, on pédalait en direction de Singapour depuis 8 mois. Cette première édition avait été une boucherie ! Et immanquablement, ça avait commencé à jazzer : course trop dure, trop technique, trop dangereuse… Les signes indéniables d’une grande course !
Première édition de l’Echappée Belle
Rapidement, l’échappée belle s’est logée dans un coin de ma tête, et dès le lendemain de notre arrivée en France, après plus d’un an sans courir (nous sommes donc début 2014), j’ai rechaussé les baskets. Après discussions avec le coach, le grand maître Gildas Penverne, nous avons décidé que je m’alignerais pour l’édition de 2015. OK ! Je me plie à toutes les décisions du chef !
Septembre 2014 : je cours le trail de Serre Chevalier et j’explose en plein vol au 2/3 de la course : Abandon !
Decembre 2014 : Saintexpress. Très bonne course, je remonte durant tout le parcours et finis à une belle 24 éme place sur un tracé très loin de m’être favorable.
Mai 2015 : MaxiRace. Bonne course juqu’au 60 éme km puis énorme hypoglycémie. Je finis ce ultra au mental malgré la ferme intention d’abandonner au dernier ravito. Une très bonne expérience.
Juin 2015 : KV de Cham, 44 min
Finalement, je me pointe sur la ligne de départ de l’échappée belle 2015 avec, depuis octobre 2014, plus de 130000 m de dénivelé dans les cannes, beaucoup de volume, énormément de VMA longue en côte et un couteau sur-affûté entre les dents. J’ai un plan de marche pour 30h45 et je vise un top 5. Pour moi, une grosse perf serait d’approcher les 30h. Le coach quant à lui me serine depuis des mois que je vais gagner. Peut-être est-ce ça aussi la préparation mentale.
Trace et profil de cet Ultra Hors normes
Vizille – Arcelle : 16,5 Km – 1534 m de D+ (15éme – 2h10)
28 Août, Vizille, peu avant 06h00. Nous sommes tous sur la ligne de départ, et Flo, le boss de la course, nous fait le briefing. Bon, en ce qui concerne la météo, ce n’est pas compliqué : Tornade de ciel bleu, chaleur, absence de vent et pleine lune. Mais surtout, Flo nous martèle les 3 mots clés de la course :
- Gestion
- Gestion
- Gestion
Ces 3 mots, je vais les avoir dans un coin de ma tête durant 25h.
06h00 ! Le départ est donné, et là, j’ai la sensation qu’un grand cri est poussé en chœur par nous autres les coureurs :
« Au chiotte la gestion !!! »
départ pour les 145 Km et 11000 m de dénivelé de l’Echappée Belle 2015
Car oui, ça part vite, bien trop vite, comme à chaque course. J’ai horreur des premières heures de course. Elles sont en général un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire. Nous partons pour un ultra de 145 bornes et 11000 m de dénivelé ce qui, pour 99% d’entre nous, signifie plus de 30h de course. Pourquoi est-ce qu’on monte à l’Arcelle à quasi 1000 m/h ? Bref, je passe les 2 premières heures à essayer de me calmer et de faire jouer la sagesse. Finalement je pointe 15éme au premier ravito en un peu moins de 2h15. Je ne m’attarde pas, mon père remplit mes flasks, et je file.
Bibi sur la ligne de départ
Bonnel arrive à Arselle
Arcelle – Refuge de la Pra : 28 km – 2418 m de D+ (9 éme – 4h02)
Une fois le ravitaillement d’Arcelle passé, on atteint rapidement les 2000 m d’altitude et donc, les pâturages et les premiers lacs. A partir de maintenant, on démarre une envolée de quasi 50 bornes à plus de 2000 m d’altitude sans redescendre en vallée. Soyons clair, ce tronçon est absolument majeur et aucun autre trail en France ne propose une enfilade de ce style. Note esthétique : 10/10
La beauté des paysages et l’étirement du peloton aidant, je commence à me détendre et à trouver mon rythme. Doucement, je remonte du monde et je finis par apercevoir au loin un petit groupe qui semble être mené par une femme. Aucun doute, c’est Emilie Lecomte. Elle est la marraine de cette édition 2015. Emilie n’est pas vraiment un perdreau de l’année. Elle détient le record du GR20 en 41h22, a déjà gagné l’ultra de la diagonale des fous et le TOR des Géants en Italie. Je savais qu’elle était sur la course et je m’étais dit que ce serait un bon étalon pour me caler sur un rythme convenable en début de course. Tranquillement je rejoins ce groupe. Certains semblent déjà forcer… Il est pourtant tôt et c’est peu de le dire.
Je pointe avec Emilie au refuge de la Pra en 9éme position après 4h00 de course. J’ai déjà 30 minutes d’avance sur mon plan de route. Je stoppe 3-4 minutes et repars.
Refuge de la Pra – Col de Freydane : 35,4 km – 3359 m de D+ (3 éme – 5h31)
En repartant de la Pra, je suis aux anges. Je sais où l’on va, je connais ce terrain et j’aime ça. Tous les voyants sont au vert et on file vers la croix de Belledonne. Mais les mots de Flo sont là !
- Gestion
- Gestion
- Gestion
Je suis reparti du ravito un peu avant Emilie mais je la vois derrière moi à une distance régulière. Je rattrape 2 concurrents de l’intégrale peu avant les lacs du Doménon ainsi que le premier relayeur. Lorsque j’attaque la montée pour la croix, le japonais Yamamoto est 200 m devant moi. Lui non plus, ce n’est pas un lapin de 6 semaines. Il a bouclé l’Ultra Tour du Mont Blanc 2009 en moins de 24h finissant à la 8éme place et a gagné le grand raid des Pyrénées en 2012. Je reviens sur lui au niveau du replat sous la croix de Belledonne. Je double encore un conçurent, le suisse Adrian Bennwald et croise Lionel Bonnel, le grand favori de la course, qui redescend déjà du sommet. A ce moment-là, il a 17 minutes d’avance. Je passe au sommet en 3éme position et file sur le col de Freydane.
Descente de la croix de Belledonne (Photo : Michael)
Col de Freydane – Jean Collet : 39,8 km – 3465 m de D+ (3 éme – 6h11)
Bon, ok, là je crois qu’on peut le dire, la descente du col de Freydane n’est pas roulante. Je passe donc en mode ski sur cailloux pour dévaler la moraine tout en faisant gaffe à ne pas me pulvériser un genou ou une cheville. La moraine n’est pas très longue et rapidement on atteint le replat et le lac blanc. Et là : C’est beau ! Putain, qu’on est bien. J’ai une méga caisse mais…
- Gestion
- Gestion
- Gestion
Jean Collet, c’est un peu ma première ligne d’arrivée. Je pointe 3éme. Anne m’y attend avec mon père et le ravito. Ça fait du bien de les voir. Je ne me presse pas plus que ça. Je prends le temps de me bichonner les pieds à coup de Nok, de changer de chaussettes, de boire une soupe et tranquillement, je repars. La suite est longue, 23 bornes avant le prochain vrai stop et autant le dire ce n’est pas 23 bornes sur un GR. Ici c’est Belledonne cailloux style ! Miam Miam !
J’arrive à Jean Collet
Anne m’a monté le ravito
Jean Collet – Pas de la Coche : 47,1 km – 4188 m de D+ (4 éme – 7h55)
En quittant Jean Collet, je suis 5 éme. Emilie et Kenichi se sont arrêtés bien moins longtemps que moi. J’ai aussi récupéré mon lecteur mp3. J’enfile donc les écouteurs, lance la playlist et par à l’assaut du col de la mine de fer avec Amy :
J’ai Emilie en point de mire mais je ne cherche pas à revenir. Je monte au train, sans m’entamer. Depuis le début ma stratégie est claire. Arrivéer le plus frais possible au Pleynet. Ensuite, si à Gleysin je suis en canne, je fais parler la poudre dans le Moretan.
Petit rappel au cas où vous seriez perdu
Je finis quand même par revenir sur Emilie peu après le col dans la section de bloc avant la brèche fendue. Le tronçon entre le col de la mine de fer et le pas de la Coche est assez chaotique et demande pas mal de concentration, d’anticipation et un poil d’engagement. J’ai la chance d’avoir un léger bagage d’alpiniste et de grimpeur et je suis donc relativement à l’aise dans le terrain à chamois tel que celui qui se présente sous nos pieds à cet endroit du massif. Je prends même beaucoup de plaisir dans cette section à crapahuter de bloc en bloc avec du bon son dans les oreilles ! Au pas de la coche, je suis au niveau de Kenichi et le 2 éme de l’épreuve est à 5 minutes. Je break quelques instants, le temps de recharger les bidons et repars.
Le Japonais, Emilie et moi au niveau de la brèche fendue (Photos : Akuna)
Pas de la Coche – Pleynet : 62,2 km – 5021 m de D+ (2 éme – 10h33)
Très rapidement, je reviens sur Kenichi et même sur le second Guillaume Bernard qui n’a pas l’air au mieux et qui, je l’apprendrai par la suite, s’est luxé un doigt. C’est donc seul que j’attaque le col de la vache. Un col bien teigneux, grimpé plus ou moins à 4 pattes. Ce col fait mal mais ça ne dure pas trop longtemps. Avec le recul, il me semble que c’est le premier col dans lequel je lâche réellement une cartouche. Au sommet, un couple de randonneur peut d’ailleurs en témoigner. Je stop 3-4 minutes et finalement, c’est avec Kenichi que j’attaque la descente. Nous filons maintenant sur le Pleynet. Les 5-6 km qui vont suivre seront un pur moment d’extase. Nous courrons de concert tous les 2, à vive allure. Mon pote japonais pousse des hurlements de bonheur toutes les 30 secondes, le soleil brille, les lacs sont sublimes, j’ai l’impression d’avoir des jambes pour courir pour toujours. Un moment rare, sans aucun doute. Et comme ce genre de moment est assez furtif par essence, rapidement, la descente sur le pleynet devient quand même assez chiante !!! On voit assez rapidement le ravito mais le tracé est fourbe. Tel un rapace, il contourne sa proie pendants plusieurs kilomètres avant enfin de plonger dessus. A ce moment de la journée, ça cogne sévère et pour la première fois depuis 50 bornes, nous redescendons en vallée. Je me fais un petit débrief intérieur.
- Les cuisses sont plus qu’ok !
- Estomac ok, je bois régulièrement (avec le recul, plus d’1l5 par heure durant les heures chaudes de l’aprem), les gels passent bien. Bon, s’alimenter en solide reste toujours un peu délicat.
- Pied droit ok
- Pied gauche : légère douleur sous la plante et au releveur mais rien d’alarmant.
Le contrat est donc rempli, je suis relativement frais en arrivant au Pleynet.
Ce ravito est une base vie. On peut y manger un repas complet, se doucher et même dormir. Je n’ai envie de rien de tout ça. La particularité ici, c’est que lorsqu’on arrive, on a un peu l’impression de franchir la ligne d’arrivée. Il y a une arche, un speaker, et beaucoup de monde. Bref, grosse ambiance au Pleynet. Je prendrai 19 minutes de pause ici, le temps de bien manger, d’aérer un peu mes pieds, de re-noker et de changer de chaussettes. Le japonais que j’avais légèrement distancé dans la descente ne prendra que 4 minutes !!! Il repart donc quasiment ¼ d’heure devant moi. Je ne m’inquiète pas. La course commence maintenant. Je quitte le Pleynet quand Emilie Lecomte y fait son arrivée (elle stop 9 minutes). Au moins, elle, le speaker la connait. Et oui, le grand machin tout sec qu’y est arrivé second au Pleynet, il est inconnu au bataillon le mec ! En même temps, je ne peux pas leur en vouloir, a part mon timbré de coach, personne y compris moi ne pensait me voir au Pleynet en avance sur l’heure du goûter. Bref, je repars du Pleynet serein et bien conscient que le gros du chantier est devant nous. Mais dans un coin de ma tête, j’ai quand même bien hâte d’être à Gleysin pour attaquer la nuit et surtout le Moretan !
Au Pleynet je bichonne mes panarads
Au Pleynet
Anne s’occupe de re-remplir mon sac de gels et de remplir mes flasks
Pleynet – Chalet du leat : 73,5 km – 6072 m de D+ (1er – 13H09)
En quittant le Pleynet, on continue de descendre un petit moment. J’y vais tranquille, les descentes c’est vicieux, ça te fusille un quadri le temps de dire ouf. Il faut être relâché et ne pas s’enflammer. Enfin, on attaque la montée vers la grande puis la petite Valloire. Montée classique, sans difficulté, sur un bon sentier. Hormis la chaleur, rien à signaler. A l’approche du sommet de la grande Valloire, il me semble apercevoir le japonais une centaine de mètres devant et puis… Mais merde, il cause avec un type qui a un dossard. Je suis encore largement assez lucide pour vite percuter que le mec en question, c’est Lionel Bonnel, qu’il est en train de descendre et donc, qu’il abandonne.
- Qu’est ce t’arrive ?
- Mal au dos… J’arrête.
- Merde, bon, ben bon courage.
A ce moment précis, ça va très vite dans ma petite tête.
Il n’y a plus qu’un mec devant toi, il est là, à 100 mètres. Dans 5 minutes tu vas le reprendre et tu vas être en tête de l’échappée belle. Putain, déconne pas !
Je rattrape donc Kenichi et reste derrière lui un petit moment. Il semble être un peu dans le dur. Je temporise mais finis quand même par passer. Il me semble qu’il commence à chopper des crampes. Je refais le plein rapidement à la grande Valloire puis file vers la petite Valloire. Les bergers m’y réserve un accueil du tonnerre et m’annonce en tête de la course au Talkie-Walkie.
« Bravissimooooooooo !!!! Le dossard 111 vient de passer en tête à la petite Valloire. Même les moutons applaudissent ! »
Le japonais passe après 2’45 et Emilie, 13’47.
Chalet du leat – Gleysin : 77,5 km – 6072 m de D+ (1er – 13H37)
Allez, maintenant, bascule sur Gleysin. Je suis filmé et interviewé par un journaliste durant la descente… T’y crois à ça ?
Au Gleysin, Anne est bien évidemment là, mon père également mais ils ont été rejoints par mon frère Thomas et ma mère. Comme d’hab, vous l’aurez compris, je prends mon temps. D’autant que je sais ce qui nous attend. Je stoppe 15 petites minutes le temps de boire une soupe, me recharger en gel et en boisson, et grignoter 2-3 trucs. Le japonais, arrivé 5 minutes après mois repart 5 minutes avant moi. Je vous laisse calculer le temps de pause… Il n’a pas l’air au top.
Au Gleysin, la fin de journée arrive, synonyme de fraicheur. Fraicheur de l’air mais pas que. En repartant du ravito je constate instantanément que j’ai les jambes dans un état de fraicheur remarquable. Je crois bien que là, tout est en place pour que je commence enfin à m’enflammer ! 1400 m de dénivelé nous attendent pour rejoindre le col du Moretan ! De quoi tuer la course.
Mon frère vient aux news. Ça roule ?
Ravito dans une bergerie à Gleysin
C’est parti pour bouffer du Moretan !
Gleysin – Moretan : 83,6 km – 7571 m de D+ (1er – 15H40)
En l’espace d’une dizaine de minutes je rejoins Kenichi. Je lui lâche un petit :
« come on, be strong »
Et je file. Il est dans le mal et moi je suis en pleine euphorie, je le dépose littéralement. Le jour décline doucement et il fait quasi nuit lorsque j’arrive au refuge de l’Oule qui marque la moitié de l’ascension du col du Moretan. Ce col est de mon point de vue le plus mythique de la course. Sauvage, minéral, en plein cœur du massif. Et c’est ici et maintenant que je commence à jouer la gagne. Je retarde au maximum le moment d’allumer ma lampe mais peu après l’Oule, je dois me résoudre à éclairer devant moi. Ca y est, je suis dans l’immense champ de caillasse qui marque la dernière partie de l’ascension du col. Les bénévoles perchés là haut m’aperçoivent et allument donc leur lampe pour se signaler. Pas évident en pleine nuit de juger de la distance qui me sépare du col. Peu importe, j’avance le couteau entre les dents. Les fanions réfléchissants me montre la voie jusqu’au col. Je suis sur la piste de décollage. De temps en temps je me retourne rapidement pour essayer d’apercevoir une lampe. Je ne vois rien. Les Patous du refuge de l’Oule m’ont quand même indiqué que le Japonais était passé 15 minutes après moi, suivi de près par Emilie. Et oui, ça gueule fort ces bêtes-là ! La fin du col du Moretan est du même acabit que celui du col de la vache. On grimpe à 4 pattes. Au col, 4 ou 5 bénévoles sont là. Ça fait du bien de les voir. Je m’assois 2 minutes, bois un coup, regarde avec eux si on aperçoit des frontales et je bascule sur le vallon de Pèrioule.
Moretan – Super Collet : 96,9 km – 8107 m de D+ (1er – 18H15)
L’heure qui va suivre sera sans doute la plus marquante de la course. La descente du Moretan envoie bien le steack. On commence par un bon raidard en mode tapis roulant puis un bout de névé et enfin une moraine bien bien raide. Je prends un peu de risque dans cette partie. On peut faire de gros écart sur une descente comme celle-ci. La descente de la moraine est avalée à vitesse grand V grâce à la corde fixe. Merci aux bénévoles, cette corde m’a bien servi ! Après la moraine, ça devient plus roulant et je cours, je cours en prenant un pied phénoménal. Imaginez : je suis seul dans ce vallon sauvage, la lune est maintenant levée et est on ne peut plus pleine. Elle se reflète dans les lacs du Moretan, il fait doux, et pour pimenter le tout, des canons envoient des détonations pour éloigner les loups ! Au bout d’un moment, je sens le sol marécageux sous mes pieds, je connais l’endroit et je sais donc que j’approche de Pèrioule. Ça ne manque pas. J’aperçois des lumières au loin et finalement la tente du ravito. Je recharge, et les bénévoles me prépare une soupe. Ils me suggèrent de m’assoir. Je m’exécute. Mais inconsciemment, je me relève au bout de quelques secondes… Sans doute l’adrénaline. Je leur demande quel est la suite du programme et je file. Quelques mètres après je suis accueilli au niveau de la bergerie de Pèrioule par toute une clique me chantant sur un air de guitare :
« Il descend du Moretan, en courant… »
Vraiment navré de ne pas m’être arrêté, j’étais dans ma course. Mais votre accueil ne m’a pas laissé insensible, c’est le moins qu’on puisse dire.
En arrivant au ravito de Pèrioule (photo matthieu Rieux)
C’est vraiment en attaquant la montée vers Super Collet que j’ai commencé à penser que la victoire était à ma portée. Je sais que là-bas, au prochain ravito, il y a mon frère qui va faire le pacer pour toute la fin de course, je ne serai plus seul. Il pourra me driver et me maintenir en prise. Au pied de la montée pour Super Collet, je débranche le cerveau et enclenche le pilotage automatique. Cette montée a peu d’intérêt. Une piste forestière, raide, droite, pleine de végétation. J’ai peu de souvenir de ce tronçon, je suis loin dans ma tête. Je reviens sur terre lorsque j’aperçois une bénévole au niveau du refuge de la pierre du carré. Elle me briefe sur la suite jusqu’à Super Collet. De nouveau, plus trop de souvenir… Jusqu’à apercevoir les lumières du ravito et entendre mon frère. En arrivant, une chose me préoccupe. De combien est l’écart avec le japonais. Je lui ai pris 30 minutes dans la montée au Moretan et encore 10 minutes jusqu’à Pèrioule. A posteriori, je lui ai encore repris 20 minutes jusqu’à super Collet. C’est donc avec 1h d’avance que je repars avec mon frère. Il reste 47 km.
Super Collet – Val Pelouse : 113,7 km – 9574 m de D+ (1er – 22H21)
En repartant de Super Collet, je suis quand même assez confiant. Dans ma tête, je ne me vois pas vraiment faiblir, et je n’imagine pas que le japonais puisse me reprendre 1h. Gaffe donc à ne pas se vautrer, et à ne pas se relâcher. Avec mon frère, nous attaquons la route comme si nous partions en sortie longue. C’est cool !
« t’as vu, je me suis acheté un nouveau lecteur mp3 ? Un pur son ! »
« C’est quoi la marque ? »
« Ça donne quoi l’UTMB ? Chorier n’est pas dans le groupe de tête ? Ah merde. Bah, Thevenard va gagner c’est sûr ! »
Soyons honnête, la montée au col d’Arpingon est quand même bien piquante ! Je finis en tirant sacrément la langue mais je maintiens l’allure. Je n’ai pas bien saisi où étaient les crêtes des Férices, dommage. Je commençais sans doute à être pas mal entamé. Je me rappelle essentiellement d’un sentier en traversée légèrement déversant et très étroit qui m’a pas mal fait pester. Un vrai tord cheville !!!
Nous arrivons sur Val Pelouse avec plus de 03h00 d’avance sur mon tableau de marche. Autant vous dire qu’Anne et mes parents n’ont pas trop dormis pour être à l’heure au rendez-vous. Nous pointons au ravito à 04h22. Kenichi arrivera 1h40 plus tard. Sauf bouleversement la course est jouée mais je n’arrive pas à ne pas envisager un retour alors je maintiens le cap. Nous repartons pour le dernier ravito.
A Val Pelouse, je regarde la suite du parcours
Assistance de choc !
Allez, feu !
Val Pelouse – Le Pontet : 130,7 km – 10433 m de D+ (1er – 25H39)
En quittant Val Pelouse, il me reste une trentaine de borne avant l’arrivée. C’est officiel ! Je suis éclaté. Nous franchissons 3 cols sur ce tronçon avant d’attaquer une longue descente. 1000 m de D- à ce stade de la course… C’est dur ! D’autant que la fin de cette descente…est plate. Une piste forestière longue comme un jour sans pain (et pour moi qui bouffe ½ kilo de pain par jour, ça veut dire quelque chose), finit quand même par nous déposer au ravito du pontet. Il fait jour et durant ce tronçon une idée m’a traversé l’esprit. Je ne me rappelle pas bien de combien est le record de l’épreuve mais je fais part à mon frère d’une possibilité non négligeable de tomber le chrono! On ne lâche rien donc. Allez, une soupe au ravito, on remplit les flasques, un gel et on repart… Putain, faudrait que ça se termine maintenant. Pour la première fois, je lis bien dans le regard de Anne :
« Putain, là, il a vraiment une sale gueule ! »
On arrive au Pontet
Une dernière soupe et on file !
Le Pontet – Aiguebelle : 130,7 km – 10433 m de D+ (1er – 27H45)
Belledonne nous offre son dernier rempart avant Aiguebelle : une montée de 500 m jusqu’au fort de Montgilbert puis une interminable descente de 1000 m de D-. Arrivés proche du haut de la bosse, on se rend compte que le balisage a disparu. Bordel de merde, faut vraiment être con ! On appelle le PC course mais finalement un mec en 4×4 arrive et nous indique la route. 5 minutes de perdu. Dans ma tête, je veux maintenant faire un chrono et en tout cas, être sous les 28h00. Pas de temps à perdre donc. J’attaque la descente pleine balle mais rapidement la pente s’adoucit pour laisser place à une descente aussi longue que le jour sans pain cité précédemment… On finit par apercevoir Aiguebelle. Je suis rivé sur l’altitude qu’indique ma montre. Et puis à un moment, c’est fini, on est dans la vallée. Encore un gros Km de plat et l’arrivée est là. Au vu des cris quand même vachement animal que pousse mon frère, je pense qu’il est très content pour moi. Il s’éclipse pour me laisser passer la ligne et là, ben, c’est bien ! C’est même vachement bien !

Remerciements
Je les ai tous remercié de vive voix mais je souhaite le refaire ici.
Je remercie donc ma chérie Anne, qui ne m’engueule même pas quand je dois courir 4h30 le samedi et 4h30 le dimanche et que je ne bois pas une goutte d’alcool de tout le mois d’Août !
Je remercie bien évidemment mon maître Yoda à moi : Le coach Anarcho-Punk Gildas Penverne. Impossible de gagner la course sans lui. Je ne sais pas comment il fait sa tambouille dans la cabine de son camion mais en tout cas, ses plans d’entrainement me réussissent !
Merci aussi bien évidemment à mes parents qui étaient là pour me faire l’assistance et à mon frère venu faire le Pacer sur les 47 derniers Km (quasi tout de nuit…). Je n’aurais pas bouclé en moins de 28h sans lui !
Merci à Florent, le boss de l’échappée belle. Tu as le plus beau tracé de France et sans doute même plus. C’est une putain de King Line !!!
Et enfin, merci aux bénévoles, aux bergers, et à tous mes potes qui m’ont encouragé par texto ou autres.
C’était un chouette weekend !
Pour ceux que ça intéresse, vous pouvez retrouver ma course sur Strava et Movescount.
Salut,
Au top cette article.
Bravo pour la performance c’est tout simplement incroyable.
Bises à tous les deux.
Merci Johan !
Un grand bravo !!!
Félicitations pour la course et pour l’article.
Même pas mal aux pattes à la fin de la lecture
Bises à Anne
Merci Daniel.
Content de te lire !
J’espère que votre voyage en Asie du SE s’est bien terminé ?
Très content de notre voyage vélo au Cambodge, Laos et Vietnam… Partis le 8 Janvier et retour à la maison le 13 avril
Du 16 au 20 août, un autre voyage vélo plus spécial, de Paris à Brest et retour à Paris soit 1230km en 77h52,
PBP est super truc très renommé. La participation des étrangers, plus des 2/3, en témoigne…
A voir sur http://gatebourse.over-blog.com/2015/08/paris-brest-paris-une-histoire-de-fous-de-velos-sur-1-230-km.html
Plus de détails par mail
Excellent, je connais bien le PBP !!! J’ai un peu suivit cette édition.
C’est un truc qui me brancherait bien je pense. Un jour peut être !
En tout cas, chapeau, 77h52, c’est un très beau temps !!!
Instant de grâce !
Y’a rien à dire en fait
Merci champion !
OUOUOUOUOUAAHAHAH!! Tu l’as fait! Tu as gagné! Outre le fait que tu rédiges le plus beau compte rendu de course qu’il m’ait été donné de lire après le mien, (
) pas prétentieux le mec, et bien tu as su me transmettre une énergie de fou pendant cette nuit au PC course ou je hurlais que tu allais remporté cette foutue course de dingue. Merci pour cette dose d’émotions, un poil gaché par le fait de ne pouvoir t’accueillir sur le ligne d’arrivée, frustration maximum! Mais que dire, le coach arnacho – punk m’avait fait une belle surprise il y a 4 ans en me preparant parfaitement pour le tor des géants, et je crois qu’on peut dire que notre ami gildas sait de quoi il parle, ou pas, mais effectivement il y a de bonnes ondes dans son camion, et il me réserve à nouveau cette année une très belle émotion à travers ta victoire. Bravo à toi pour cette gestion de course de folie, tu es le vainqueur parfait de cette 3 ème édition et un superbe ambassadeur de Belledonne. La bière est offerte à la maison. Flo, le gars fatigué sur le banc…
Merci Flo pour ton commentaire qui me va droit au cœur !
Ta course, je le répète, c’est une putain de course !!!
Noté pour la bière
Encore bravo mecton! de beaux mots une fois de plus, on visualise cette belle « king line » ! si tu viens faire une course dans les pirineos, tiens au jus, je préparerai le soupion
la bise
Merci vieux paillon !
(putain, t’es le premier !)
Et au fait… FELICITATIONS !!!!
Bravo le ouf !
Perso, j’ai couru le 85 kil le lendemain, je sais le parcours sur lequel il a envoyé comme un dératé. C’est probablement une des courses les + dures de France. C’est un truc de malade de gagner ainsi et de battre le record de l’épreuve détenu par des pointures internationales.
Respect !
LB
Merci Laurent,
Bravo pour ta course.
C’est con qu’on que ce soit pas vu à l’arrivée.
Et bonne Diagonale !!!
un grand bravo benjam’!
on a suivi cela de près…nuit et jour!et étions super contents pour vous tous!
bisous à vous deux
Merci Jeff, Merci Lydia !
Et oui, il parait que vous étiez réactif sur les textos dans la nuit de vendredi à samedi
Bon Jeff, tu viens faire la Saintélyon ?
trop long pour jeff! la semaine prochaine course du caballeiros chez Thibault…
Bravo pour cette belle victoire – et merci pour le compte-rendu, on sent qu’il y a eu beaucoup de plaisir sur cette course ! Encore bravo
Merci Romain !
Et oui, du pur plaisir sur 120 bornes et puis bon, les 25 derniers km il a bien fallu rentrer !
Mythique !!! Putain j’ai eu des frissons au moins 3/4 fois en lisant le CR… C’est un truc de dingue le trail…
Merci mec !!!
Putain, j’ai bien cru un moment que webmontagne allait fermer… Je suis rassuré
Bravo Benjamin ! Quelle superbe victoire !!!
Récit hyper agréable à lire, on s’y croirait presque et ça donne envie de se dépasser, merci.
Charlotte.
Merci Charlotte !
Bravo Benji et un CR au top, hyper vivant, qui m’a permis de me remémorer avec plaisir tous ces passages que j’ai vécus un peu différemment (j’en ai chier grave !!!).
Je savais que tu étais fort, mais là, je suis juste impressionné. Tu es mon nouveaux héros. On a deux champions au LOCIE (entre Julien et toi), faut voir qui de Géronimo ou de moi peut chopper la troisième place (mais je crois que j’ai mes chances ;))
Repose toi bien et savoure… Je vais essayer de finir mon propre CR…
Et merci beaucoup de m’avoir incité à participer à cette EB. Ca a été dur mais c’était vraiment bon…
Mon seul regret est de ne pas avoir réussi à te croiser… Mais on se reverra bien, dans les Alpes ou à Bordeaux. tu es d’ailleurs le bienvenue (avec Anne évidement qu’il me ferait plaisir de rencontrer)…
A+ et encore félicitations
Merci Franck !
Et ouais, c’est vraiment trop con qu’on se soit pas vu ! En tout cas, j’ai bien hâte de lire ton compte rendu !
A bientôt
Ben voila mon CR : http://www.kikourou.net/recits/recit-17746-l_echappee_belle_-_145_km-2015-par-mog.html
Bonne recup. Tu me diras quels sont tres prochains défis, on pourrait bien se recroiser sur une course
Bravo frèro. Je n’ai pas d’autres mots. Je t’ai suivi, j’ai appelé les parents et Thomas pour donner les écarts. J’ai eu du mal à me coucher samedi soir. Je voulais pas te laisser… J’étais persuadé que tu allais le faire et en même temps d’être quelques heures sans te suivre m’inquiétait. Les personnes autour de moi qui ne te connaissent pas savaient que tu faisais cette course, et tous, dès lundi m’ont demandé comment ça s’était passé….
Encore bravo champion!!!!
Merci Nico !
Dommage que tu n’aies pas pu être là.
En tout cas, à priori, la Saintélyon donne bien les points qu’il me faut. Donc, on sera tous les 3 avec Papa en train de se cailler dehors le 05 décembre!
super pour la sainté lyon. Ca va être top
putain mec t’es mon héros, quand je t’écoutes j’ai presque qu’envie de chausser une paire de godasses et me mettre à courir, quelques heures plus tardmais qu’est ce qui m’arrive, j’ai une paire d’asics gel lyte aux pieds un beau cuissard et surtout 30kg de trop, mais après cette lecture je me dis que pour voire du chamois et des loups ça vaut le coup.
Merci Seb !
Ça fait vraiment extrêmement plaisir de lire ça ! Si la motivation est là, le reste, ça va (presque) tout seul !
Bon, vous descendez quand bon dieu ???
Après avoir suivi votre périple à vélo, j’ai adoré lire ton CR. Je m’y suis même cru à courir à tes côtés
Bravo à toi en tout cas
bravo aussi à l’équipe qui t’entoure et bises à Anne.
Merci Patrick !
Chapeau! Incroyable ! Mythique! J’avais des sueurs rien qu’a te lire sur ma chaise… Tres impressionne par la performance et en meme temps pas vraiment surpris! Toutes mes felicitations et comme ton frere le dit si bien..Bravo Champion!
Le timing va etre serre mais j’espere bien vous voir cette fin September a mon retour pour te feliciter en personne.
Yo Rash !!!!
Putain, ça serait vraiment cool de te voir !!! Tiens moi au jus !
Et merci pour ton commentaire !
Encore Bravo Benjamin! Super course! Et un plaisir de lire ton récit, on sent que tu as géré ça du feu de dieu, avec une belle maitrise de toi, et du parcours, c’est assez impressionnant! félicitations, et au plaisir de te croiser peut être une prochaine fois sur les sentiers! ;-)…
Salut Emilie !
Merci pour ton commentaire. C’est cool de te lire ici !
Pour moi, si c’est possible, ce sera sans doute l’UTMB l’année prochaine… Je veux quand même aller faire le tour de la grosse bosse au moins une fois
Benj, t’es mon idole !!
Franchement un grand BRAVO pour ta performance ! Profite bien avant d’autres beaux objectifs !
Salut Benj
Félicitations pour cette course menée de jambes de maître ! Trop fort le bonhomme !!!
Cristol
Merci Cristol !
Bon, quand est-ce qu’on se fait une bouffe ? C’est quand même pas si loin Grenoble et Chambéry…